[ Premium] Alain Gilles, le numéro 1 du XXe siècle, 6e de notre référendum
3 min readC’est une crème de mec. Dans la salle de séjour lumineuse et autour de la piscine de sa maison de Saint-Jean de Vedas, Alain Gilles se plie aux directives du photographe avec une rare disponibilité. Il est grippé, mais heureux. Basketteur français du siècle, c’est un summum, même pour un joueur qui a gagné 8 titres de champion de France et autant de trophées de MVP de la saison. « Ça fait plaisir, c’est un honneur, » dit-il de sa voix un peu rauque -un paquet de Gitanes par jour depuis presque toujours- au fort accent lyonnais. Il nous fait visiter son bureau qui lui sert de salle de trophée, et pointe le doigt en direction de la Légion d’honneur, en expliquant, que Guy Drut, qui le lui a remis, lui a fait le reproche de ne pas en porter l’insigne à la boutonnière. « Vous me voyaient avec ça ? »
« On a sorti toutes ces coupes, ces médailles il y a six mois, quand j’ai aménagé mon bureau. J’ai surtout mis en valeur ce qui met cher, les trophées de champions de France, de meilleur joueur français. Le reste dort toujours au garage dans les cartons. Il n’est pas prévu de sortir tout ça pour l’instant. Peut-être dans la prochaine maison. Je vais peut-être aussi en donner à des petits clubs pour les faire gagner lors de concours de jeunes. J’ai encore un maillot de chaque époque, celui de l’équipe de France au championnat du monde de Rio de Janeiro, et puis un de l’ASVEL avec chaque sponsor : Petrole Hann, Rasurel, Gimm, Palladium, Brandt, et d’équipes adverses. Ce sont finalement davantage des souvenirs pour mes enfants que pour moi-même ».
« Je pouvais manger un couscous avant un match »
La légende d’Alain Gilles s’est tout d’abord bâtie autour de sa précocité. Les clichés datés de quarante ans renvoient l’image d’un jeune homme fluet, tout en nerfs, finement musclé, au visage émacié et glabre, et au nez long comme un jour sans ballon. Gillou est né à Roanne, fut initié au basket à la Chorale, mais fut privé de son dessert favori pendant deux années. Son père, militaire, avait été muté en Algérie, alors en pleine tourmente, et y avait emmené toute sa famille. Les Gilles s’installèrent ensuite à Moulins, mais Alain retrouva Roanne, la maison de ses grands-parents et le basket. Il était si doué. Il fut retenu en équipe de France junior contre la Belgique, alors qu’il n’était que première année minime. Tout s’est ensuite enchaîné : la guerre d’Algérie appela sous les drapeaux plusieurs joueurs roannais, qui venait d’être champions de France, et la Chorale fit monter des jeunes en équipe première. Gilles ne laissa pas filer cette chance. À 17 ans et 5 mois, il était promu en équipe de France.